Re: come cut I dread
Posté : 28 juil. 2022 23:22
J'ai donné une petite interview sur le sujet depuis Londres où je suis en vacances avec ma fille. C'était rapide, par téléphone, et il y a quelques éléments que j'avais formulé légèrement différemment, mais je me retrouve bien dans la transcription que la journaliste a fait de notre entretien :
«Les Jamaïcains sont ravis qu’on reproduise leur musique»
Accusé d’appropriation culturelle, un groupe de reggae a dû mettre fin à son concert à Berne. Marc Ismaïl, spécialiste du genre, dit sa consternation.
L’affaire fait grand bruit. Le groupe alémanique Lauwarm a dû quitter la scène d’un bistrot alternatif de Berne le 18 juillet. Un concert de reggae stoppé net à la suite de critiques émises par plusieurs spectateurs. Les reproches portaient sur les vêtements, la musique et les coiffures de certains musiciens. Autrement dit, le groupe était accusé «d’appropriation culturelle».
Ce terme désigne l’utilisation par les membres d’une culture dominante d’éléments culturels produits par les membres d’une culture dominée. Outrés, les Jeunes UDC ont porté plainte jeudi contre l’établissement pour infraction à la norme pénale antiraciste.
Professeur d’histoire, compositeur et producteur de musique reggae, le Vaudois Marc Ismaïl connaît la Jamaïque depuis plus de vingt ans. Il revient sur l’incident de Berne.
Comment réagissez-vous à l’interruption de ce concert de reggae?
Je suis sidéré. Je ne balaie pas la question autour de l’appropriation culturelle, mais d’interrompre un concert pour ça, c’est très disproportionné. C’est la première fois que j’entends parler de quelque chose de cette nature-là. Je trouve qu’il y a une ironie profonde dans l’intervention de ces personnes qui se disent offensées: elles réagissent à la place des gens concernés. Si un rasta jamaïcain noir dit qu’il est touché, je ne dis pas qu’il a raison, mais je peux entendre son discours et je trouve le débat intéressant. Mais là, il y a quelque chose de presque paternaliste de s’offenser «à la place de».
En quoi est-ce une réaction paternaliste?
Les spectateurs qui se sont plaints se sont fait les porte-parole de gens qui ne leur ont rien demandé. Si ça devenait la règle, il n’y aurait plus beaucoup de concerts en Suisse, à part de yodel. Je trouve que ça fait un précédent qui interpelle. C’est totalement contre-productif car après il y a des récupérations politiques. Les adversaires n’attendent que ce type de montées en épingle. La preuve, c’est que l’extrême droite et n’importe qui peut reprendre ça. Je trouve le résultat catastrophique. Ça aurait dû être un non-événement.
Des Blancs peuvent-ils porter des dreadlocks?
Les dreadlocks sont les manifestations d’une foi, le rastafari. Je ne vois donc pas la légitimité de remettre en question la sincérité d’une foi. Dans mon cas, je n’ai pas porté de dreadlocks car je n’ai pas la foi rasta. C’est comme si je mettais un signe d’appartenance religieuse alors que je ne la partage pas. Après, il arrive aussi très souvent que les Blancs portent des dreadlocks sans être rasta.
L’appropriation culturelle est-elle inhérente à la musique?
Oui. D’autant plus qu’avec le reggae, on parle d’une musique qui vient des Caraïbes, terre de mélanges. Les artistes jamaïcains sont ravis que leur musique s’exporte. C’est un sujet de fierté. Il faut rappeler que c’est une île de la taille de la Suisse romande. Cette question de l’appropriation culturelle n’est pas légitime dans la musique et encore moins aux Caraïbes. Musicalement, c’est un lieu d’inventions extraordinaires. La musique est un langage universel. Pour tout musicien, c’est une magnifique manière de communiquer.
Comment va évoluer la question de l’appropriation culturelle?
C’est une boîte de Pandore. Qui a la légitimité de s’exprimer sur cette question et qui peut décider à part les personnes qui ont créé cette musique? Je n’ai jamais entendu d’inquiétude de leur part, si ce n’est la peur que les seuls disques vendus soient de groupes non jamaïcains. Mais le fait que d’autres fassent du reggae, c’est une fierté! Les Jamaïcains sont ravis du fait que des Blancs reconnaissent la qualité d’une musique à tel point qu’ils souhaitent la reproduire. Les réactions comme celles observées à Berne délégitiment la question de l’appropriation culturelle.
«Les Jamaïcains sont ravis qu’on reproduise leur musique»
Accusé d’appropriation culturelle, un groupe de reggae a dû mettre fin à son concert à Berne. Marc Ismaïl, spécialiste du genre, dit sa consternation.
L’affaire fait grand bruit. Le groupe alémanique Lauwarm a dû quitter la scène d’un bistrot alternatif de Berne le 18 juillet. Un concert de reggae stoppé net à la suite de critiques émises par plusieurs spectateurs. Les reproches portaient sur les vêtements, la musique et les coiffures de certains musiciens. Autrement dit, le groupe était accusé «d’appropriation culturelle».
Ce terme désigne l’utilisation par les membres d’une culture dominante d’éléments culturels produits par les membres d’une culture dominée. Outrés, les Jeunes UDC ont porté plainte jeudi contre l’établissement pour infraction à la norme pénale antiraciste.
Professeur d’histoire, compositeur et producteur de musique reggae, le Vaudois Marc Ismaïl connaît la Jamaïque depuis plus de vingt ans. Il revient sur l’incident de Berne.
Comment réagissez-vous à l’interruption de ce concert de reggae?
Je suis sidéré. Je ne balaie pas la question autour de l’appropriation culturelle, mais d’interrompre un concert pour ça, c’est très disproportionné. C’est la première fois que j’entends parler de quelque chose de cette nature-là. Je trouve qu’il y a une ironie profonde dans l’intervention de ces personnes qui se disent offensées: elles réagissent à la place des gens concernés. Si un rasta jamaïcain noir dit qu’il est touché, je ne dis pas qu’il a raison, mais je peux entendre son discours et je trouve le débat intéressant. Mais là, il y a quelque chose de presque paternaliste de s’offenser «à la place de».
En quoi est-ce une réaction paternaliste?
Les spectateurs qui se sont plaints se sont fait les porte-parole de gens qui ne leur ont rien demandé. Si ça devenait la règle, il n’y aurait plus beaucoup de concerts en Suisse, à part de yodel. Je trouve que ça fait un précédent qui interpelle. C’est totalement contre-productif car après il y a des récupérations politiques. Les adversaires n’attendent que ce type de montées en épingle. La preuve, c’est que l’extrême droite et n’importe qui peut reprendre ça. Je trouve le résultat catastrophique. Ça aurait dû être un non-événement.
Des Blancs peuvent-ils porter des dreadlocks?
Les dreadlocks sont les manifestations d’une foi, le rastafari. Je ne vois donc pas la légitimité de remettre en question la sincérité d’une foi. Dans mon cas, je n’ai pas porté de dreadlocks car je n’ai pas la foi rasta. C’est comme si je mettais un signe d’appartenance religieuse alors que je ne la partage pas. Après, il arrive aussi très souvent que les Blancs portent des dreadlocks sans être rasta.
L’appropriation culturelle est-elle inhérente à la musique?
Oui. D’autant plus qu’avec le reggae, on parle d’une musique qui vient des Caraïbes, terre de mélanges. Les artistes jamaïcains sont ravis que leur musique s’exporte. C’est un sujet de fierté. Il faut rappeler que c’est une île de la taille de la Suisse romande. Cette question de l’appropriation culturelle n’est pas légitime dans la musique et encore moins aux Caraïbes. Musicalement, c’est un lieu d’inventions extraordinaires. La musique est un langage universel. Pour tout musicien, c’est une magnifique manière de communiquer.
Comment va évoluer la question de l’appropriation culturelle?
C’est une boîte de Pandore. Qui a la légitimité de s’exprimer sur cette question et qui peut décider à part les personnes qui ont créé cette musique? Je n’ai jamais entendu d’inquiétude de leur part, si ce n’est la peur que les seuls disques vendus soient de groupes non jamaïcains. Mais le fait que d’autres fassent du reggae, c’est une fierté! Les Jamaïcains sont ravis du fait que des Blancs reconnaissent la qualité d’une musique à tel point qu’ils souhaitent la reproduire. Les réactions comme celles observées à Berne délégitiment la question de l’appropriation culturelle.